samedi 22 février 2014

Top 2014 - Boschomy

Année assez étrange que cette année 2014. Succédant à une année 2013 plutôt riche et joyeusement hétérogène quant à la représentation des registres, 2014 s'annonce comme une année ambiguë : ce genre d'année qui apporte son lot d’œuvres réussies, mais qui désespère d'élire son chef-d’œuvre. Alors que le projecteur est déjà tourné sur une année 2015 qui s'annonce tout bonnement folle en termes de sorties, on aurait tendance à minorer l'importance d'une année 2014 qui a certes vu défiler de prestigieux noms du cinéma, mais qui n'a pas comblé les espérances qu'on lui octroyait.

Paradoxalement, on a pu voir un nombre conséquent de films de bonne qualité, voire de très bonne qualité, mais sans jamais apercevoir l'excellence escomptée. 2014 ne fut donc pas tant une mauvaise année qu'une année banale, solide, mais sans éclat. Une année sans solide leadership, si l'on veut, ce que pourrait traduire l'actuelle indécision régnant autour de la prochaine course aux Oscars. Un constat qui ne doit cependant pas nous faire bouder les nombreuses réalisations qui ont germé aux quatre coins de la sphère cinématographique, bien au contraire. Aussi décevante qu'elle a pu être, 2014 n'en demeure pas moins aussi prégnante que ses prédécesseurs. Petite rétrospective de cette "année zéro" du cinéma.

Numéro 1 : La Grande Aventure Lego


Accorder la première place à La Grande Aventure Lego peut apparaître comme une provocation. Il n'en est rien. Enfin, pas tout à fait. Peut-être que d'autres films de ce classement mériteraient davantage la première place, mais, au cœur d'une année très avare en surprises, la claque inventive assénée par Phil Lord et Chris Miller mérite sa pole position. L'audace du projet, autant que son architecture fourmillante de références artistiques, en font le film d'animation le plus prolifique de ces dernières années. Captivant d'un bout à l'autre, notamment en s'affranchissant du schéma classique de déroulement des péripéties, sans cesse dans le second degré et visuellement bluffant (même si un peu rapide), La Grande Aventure Lego est une surprise à laquelle on ne s'attendait vraiment pas, ce qui en fait une surprise encore plus délectable. Everything is awesome !


Numéro 2 : Interstellar


Première excursion dans l'espace (très) réussie pour Christoper Nolan. Dans les traces de 2001 : L'Odyssée de l'Espace de Stanley Kubrick, mais également dans celles d'un Tarkovski et de son Solaris, le réalisateur de la trilogie Batman rénove pour la première fois de manière significative son cinéma. Au-delà de scènes visuellement impressionnantes et d'un effort de reconstitution certain, Interstellar est surtout un film croisement entre une certaine emprise irréelle, qui lui confère une aura déstabilisante, et de véritables spéculations cartésiennes qui en font un des films d'exploration spatiale les plus rationalisés qui soient. Si, pour des besoins que l'on imagine scénaristiques, le film se complaît à boucler la boucle, il n'en demeure pas moins mystique par de nombreux aspects. Cette polyvalence en fait un film dense et incommensurable, que l'on se plaira à visionner et à décortiquer plusieurs fois. Une très grande pièce sur la galaxie spatiale et sur les défis du progrès humain. Et surtout une démonstration de la capacité de Nolan à élargir les horizons de son cinéma.


Numéro 3 : Gone Girl


Le grand retour de Fincher. Peut-être pas aussi grand qu'on l'aurait souhaité certes, mais un retour qui ne manque pas de renverser une bonne partie de la concurrence cette année. Empruntant toujours à la pudeur formelle de ses précédents thrillers, mais tout en s'enquérant du registre de la comédie (ce qui ne va pas sans provoquer quelques étranges digressions difficiles à justifier), Fincher effectue une radiographie saisissante du couple moderne imbriqué dans une société orgueilleuse dopée au culte du moi. La fascination qu'il exerce (à l'instar de cette scène finale stridente) est boostée par l’envergure de sa réalisation et la précision de son montage. Affleck est excellent en bouc-émissaire malgré lui, Rosamund Pike atteint quant à elle la perfection. Une brillante adaptation, occasion pour Fincher de montrer que derrière le narrateur à suspense hors-pair se cache un judicieux conteur de mœurs.


Numéro 4 : Enemy


Villeneuve s'éloigne des canons sombres de Prisoners pour adapter l'intrigant roman de José Saramago, pourtant difficilement adaptable. Il en ressort néanmoins un audacieux film-mystère (au sein plein du terme), qui met à profit la composition étonnante de Jake Gyllenhaal, décidément incontournable cette année. Complexe et aux multiples niveaux de lecture, Enemy n'en reste pas moins captivant, notamment de par la capacité de Villeneuve à se muer en aquarelliste de l'espace et en ornemaniste des émotions. Le talent du réalisateur canadien vient compenser les éventuelles irrégularités de son récit. Pour de plus amples justifications, voir la critique complète.


Numéro 5 : Les Gardiens de la Galaxie


Grosse surprise que ce blockbuster massif sorti des studios Marvel. Sur un ton complètement loufoque et décomplexé, Les Gardiens de la Galaxie se révèle comme un divertissement rafraîchissant, au demeurant ponctué de quelques grands morceaux de bravoure. Comme un enfant capricieux mais habile, James Gunn construit son "space-opera" en total décalage avec la rigueur des codes actuels, ponctuant son univers de références geek et de scènes d'action spectaculaires. Ovni du genre.


Numéro 6 : Night Call


Pour son premier long-métrage, Gilroy nous embarque dans un itinéraire glauque en compagnie de l'obsédant Lou Bloom, apprenti journaliste féru de faits divers sordides. Dans une tonalité qui peut faire penser au clivant Drive, Nightcall s'impose comme une incursion magnétique dans les fantasmes inavoués de la société spectacle, au travers d'un protagoniste antihéros jouissif, incarné par un Gyllenhaal en bonne voie pour obtenir la consécration suprême. La critique intégrale ici.


Numéro 7 : Boyhood


Projet étalé sur douze longues années, Boyhood est l'itinéraire de jeunesse de Mason, de sa petite enfance jusqu'à son entrée dans le monde adulte. Se présentant comme un "feel-good movie", la réalisation de Linklater est en réalité beaucoup plus, une véritable épopée émotionnelle sur le temps qui passe, sur les espoirs et les vertiges de la vie. Formellement réussi, le film ne s'enquiert d'aucun message pompeux, d'aucune bifurcation fictionnelle inopportune, et fait preuve d'une authenticité rare. On en ressort émerveillé, avec une seule envie : croquer la vie à pleine dent.


Numéro 8 : Captain America : Le Soldat de l'Hiver


Quelle surprise que cette seconde offrande des aventures du Capitaine America ! Après un volet initial vraiment pénible et poussiéreux, on se retrouve en la présence d'un film de super-héros qui se place intelligemment à la lisière du thriller politique. Prenant un ton plus sombre (revêtant l'allure plus "mature" chère aux films de super-héros depuis peu), prenant aussi le temps de mieux construire sa trame narrative, sans céder aux gribouillis (trop) spectaculaires, cette sequel fait même plus que remplir son cahier des charges: il s'agit d'un des meilleurs Marvel sur le marché. Rien que ça.


Numéro 9 : The Raid 2


Après un premier opus détonnant, explosion d'action et effusion de chorégraphies fantasques, on avait de quoi craindre pour Gareth Evans. Pourtant, The Raid 2 s'inscrit au niveau de son aîné, ni plus ni moins. Si, en tout logique, on perd l'effet de surprise, on gagne cependant un scénario un peu plus épais et un effort tout particulier consenti sur la mise en scène, quasi-théâtrale. Le show s'étale sur 150 minutes mais fait preuve d'une endurance suffisante pour nous tenir en haleine jusqu'au bout. Le film d'action le plus dévastateur de l'année.


Numéro 10 : 12 Years a Slave


Lauréat de la dernière cérémonie des Oscars, 12 Years A Slave s'annonçait comme une énième représentation pesante sur les ravages de l'esclavage dans l'Amérique ségrégationniste. Il n'en est rien. Si McQueen n'évite pas l'écueil d'un certain académisme léché et précieux (le même qui rapporte souvent de jolies statuettes), il parvient à surmonter tous les clivages et obstacles supposés par son sujet. McQueen révèle également la talentueuse Lupita Nyong'o et confirme la forme actuelle d'un Fassbender métamorphosé. Classique mais puissant, ce 12 Years A Slave consacre le talent d'un réalisateur à suivre.

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