dimanche 11 mai 2014

Les Sorcières de Zugarramurdi, de Alex de la Iglesia (2014)

Les Sorcières de Zugarramurdi, réalisé par Alex de la Iglesia, avec Hugo Silva, Mario Casas, Carolina Bang (1h54min)

Synopsis

Trois braqueurs espagnols en fuite tentant de rejoindre la France vont se réfugier par mégarde dans le village de Zugarramurdi, haut lieu de la sorcellerie, à la veille d'une importante réunion de milliers de sorcières dotées de pouvoirs maléfiques...

La critique de Vince

Auteur des immenses Balada Triste et Un Jour de chance en 2011 et 2012, le génial cinéaste espagnol Alex de la Iglesia revient cette semaine en DVD et Blu-Ray avec son douzième long-métrage, le délirant Les sorcières de Zugarramurdi, comédie horrifique aussi jouissive que subversive. Après avoir exploré les troubles d'un pays en crise et torpillé la société de consommation, le réalisateur livre avec cette nouvelle bombe un hymne féministe grand-guignolesque des plus jubilatoires.

Très attendu de la part de ses fans, le nouveau délire d'Alex de la Iglesia a su se hisser à la hauteur de toutes nos espérances. Œuvre politiquement incorrecte et totalement décomplexée, cette guerre des sexes déjantée assume pleinement ses outrances et vient étoffer une filmographie déjà incroyablement riche et pourtant sous-estimée. Comme à son habitude De la Iglesia manie habilement les genres et les codes pour accoucher d'une oeuvre complexe et furieuse enchainant les gags à la seconde, qui puise sa force dans les obsessions les plus intimes de son auteur. Regorgeant d'idées visuelles démentes, le film amorce son rythme infernal par une scène de braquage hilarante

où Jésus Christ arrose la police à coups de fusil à pompe et où Bob l’Éponge ou encore Mickey et Minnie tirent sur tout ce qui bouge.
Dès cette introduction hallucinante et culte à en devenir, le réalisateur pose tout son humour noir, son ironie et sa fantaisie. Complètement fou, Les sorcières de Zugarramurdi jouit d'une mise en scène électrisante et contient tout le génie d'Alex de la Iglesia dans un récit généreux, galvanisant et puissamment anticonformiste.

Œuvre faussement misogyne, le film témoigne de l'amour et de l'obsession du cinéaste espagnol pour ces étranges créatures ensorcelantes. Ici symbole du mal, la femme est placée au centre du récit, mais est toujours traitée avec un profond respect. Si visiblement Alex de la Iglesia a eu du mal à digérer son divorce, les hommes en prennent aussi pour leur grade, et sont dépeints comme des êtres niais, irresponsables, voire primates. Une véritable ode à la femme dissimulée derrière le film de genre badass et macho, où (comme dans ses précédents films) tout le monde est logé à la même enseigne. Malgré ses légères imperfections comme son rythme parfois inégal, le film déploie une énergie folle et propose une galerie de personnages délirants et profondément attachants, interprétés par les excellents Hugo Silva, Mario Casas, Jaime Ordóñez, Carolina Bang (compagne du réalisateur) ou encore Carmen Maura, l'héroïne de Mes chers voisins. Le film, trash et constamment inventif dans sa mise en scène, traduit le regard noir mais humaniste du cinéaste sur la société et les rapports humains.

Avec la même rage subversive qui fait la force de son cinéma, Alex de la Iglesia revient donc à un genre plus concret, la comédie horrifique de ses débuts, en transcendant ses références avec intelligence et en livrant une critique acerbe de la société européenne (comme en témoigne la présence d'Angela Merkel au générique du début). Fun, osé et d'une drôlerie imparable, Les sorcières de Zugarramurdi est une véritable tuerie qu'on aurait tort de vouloir réduire à un Hansel & Gretel : Witch Hunters du pauvre. Un gros bordel jouissif et joyeusement jusqu'au-boutiste, qui permet à Alex de la Iglesia de s'imposer comme le cinéaste espagnol le plus important du moment. Pour son humour, sa générosité et sa beauté visuelle, on peut à peu près tout pardonner aux Sorcières de Zugarramurdi.

La note de Vince :

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