jeudi 16 octobre 2014

Ordure !, de Jon S. Baird (2014)

Ordure !, réalisé par Jon S. Baird, avec James McAvoy, Jamie Bell, Eddie Marsan, Imogen Poots (1h37min)

Synopsis 

Le sergent-détective Bruce Robertson compte bien se voir attribuer la promotion convoitée par tous ses collègues. Chargé d'une affaire de meurtre, il décide de prendre la situation en main afin de parvenir à ses fins. Cependant tout ne va pas se passer comme prévu. Il semblerait bien que Bruce cache quelques lourds secrets qui vont compliquer sa tâche...

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Décidément Irvine Welsh n'en finit plus d'inspirer le monde du 7e Art. Après l'adaptation de Transpotting par Danny Boyle en 1996, c'est aujourd'hui à Filth que s'intéresse Jon S. Baird. Auteur d'une première réalisation - Hooligans - loin d'être dénuée de qualités bien au contraire, le cinéaste rempile derrière la caméra en livrant cette fois-ci un film bien plus personnel et débridé, non pas sans risques. Là où Hooligans manifestait une certaine sobriété accessible, Ordure ! prend le parti pris de s'adresser à un public bien plus mature et cinéphile et donc forcément plus restreint et moins universel. Cette audace est-elle judicieuse en fin de compte ? Même si le long-métrage est passé relativement inaperçu, la faute à sa sortie uniquement en "direct to DVD", il vaut non seulement le détour mais alerte surtout le petit monde de la cinéphilie : Jon S. Baird est un réalisateur à suivre. 

Ordure ! démarre tambour battant au rythme effréné d'un James McAvoy survitaminé menant la cadence sur fond de sexe, drogue et alcool. Le speech de départ annonce la couleur : l'Ecosse et tous ses vices seront mis sur le devant de la scène avec au menu débauche et immoralités en tous genres. Mais derrière ce spectacle nauséabond et rebutant se dissimule en fait une œuvre bien plus profonde et subtile que le simple concept du "sex and drugs". Là est toute la puissance du dernier cru de Jon S. Baird. Il y a différents niveaux de lecture, du plus lisse au plus raffiné et on ressent la volonté du cinéaste à tendre vers la finesse en dépeignant une société à la fois complexe, dépravée et en roue libre, perdue dans un environnement déshumanisé qu'elle ne comprend que partiellement. 

Riche en réflexions sur la vie et son dessein, la peur, l'ambition, les remords ou encore la dépression, n'hésitant pas à écorcher des notions communément enjolivées comme la vie de couple ou l'amitié et exhibant avec âpreté des notions sociétales tabous - racisme, sexisme et homophobie n'y échappent pas - l'œuvre de Jon S. Baird se veut dense et crue. Toutes les facettes de l'Homme sont décortiquées et exhibées avec une noirceur à la fois glaciale et stupéfiante, avec toujours en background ce petit ton surfant sur une cinglante légèreté. La singularité et l'essence du film résident dans cette capacité à mêler intimement gravité, froideur et humour acide. Ce mélange, non pas sans risques, est habilement dosé par le réalisateur, suscitant chez le spectateur un panel d'émotions variées oscillant à un rythme soutenu entre étonnement, amertume et morosité. 

Mais Ordure ! ne posséderait la moitié de sa puissance si McAvoy n'était pas de la partie. Déjà bien gâté avec un casting fort sympathique - Jamie Bell et Eddie Marsan pour les plus connus – et des seconds rôles tout à fait savoureux, le long-métrage s'envole grâce à un James McAvoy débridé à outrance et regorgeant d'énergie et de charisme (il signe là son meilleur rôle à ce jour), rendant ainsi son personnage absolument renversant. La complexité et l’ambiguïté de Bruce Robertson ne font qu'accentuer la mise en évidence de la performance impeccable de l'acteur. D'autre part, techniquement parlant le film est une vraie réussite. Le cinéaste fait preuve de dynamisme et d’audace en orchestrant son œuvre avec une mise en scène à la fois endiablée, osée et "punchy", offrant à plusieurs reprises quelques scènes absolument orgastiques. Côté bande originale, les mélodies, en plus d’être habilement sélectionnées, s’accordent divinement bien avec les diverses phases émotionnelles du film, tantôt agressives et orgastiques, tantôt douces et harmonieuses.

Comme si tant d'éloges n'étaient pas suffisants, Ordure ! ne s'arrête pas en si bon chemin, il conclut également avec virtuosité, livrant un dénouement à la fois puissant et inattendu qui ne vous laissera pas de marbre. Bref, vous l'aurez compris, le film est un intense cocktail survitaminé magistralement orchestré et à plusieurs niveaux de lecture - du simple "sex and drugs" aux multiples réflexions existentielles - surfant sur un ton léger parfaitement dosé. N'ayons pas peur des mots, le dernier cru de Jon S. Baird est une franche réussite. Chapeau bas l'artiste.

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